Mes remarques au commissaire enquêteur sur la RD7

Publié le 25 Janvier 2010

Catherine CANDELIER

Conseillère régionale d’Ile-de-France

Conseillère municipale de Sèvres

44, avenue du Beau Site

92310 SEVRES

 

à

 

 

Monsieur Thierry FLIPPO

Président de la Commission d’Enquête

sur le projet « Vallée rive gauche »

Mairie de Sèvres

54, grande Rue

92310 SEVRES

 

 

Sèvres, le 25 janvier 2010

 

 

 

Monsieur le Président de la commission d’enquête,

 

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après mes observations concernant le projet d’aménagement des bords de Seine sur la RD7 entre le Pont de Sèvres et Paris mené par le Conseil Général des Hauts-de-Seine.

 

 

Je remarque tout d’abord, que contrairement à bon nombre d’enquêtes publiques, celle consacrée au projet « vallée rive gauche » n’est prévue que pour une durée d’un mois. Cette durée me semble particulièrement courte au vu notamment de l’impact et du coût du projet.

 

Le projet soumis à cette enquête ne correspond en rien aux avis exprimés lors de la concertation préalable et qui à 90% privilégiaient une solution alternative (1,5 voie par sens de circulation). La concertation préalable doit pourtant normalement aboutir à un rapprochement de points de vue différents et déboucher sur un projet le plus consensuel possible. La délibération du Conseil Général en date du 27 mars 2009 qui dresse le bilan de cette concertation préalable et qui autorise le lancement d’une enquête publique sur la variante 2*2 voies avec feux fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. A ce jour, le tribunal administratif n’a pas encore statué sur ce recours. Cette inconnue juridique me semble fragiliser l’enquête que vous menez.

 

Depuis de nombreuses années, le Conseil Général souhaite doubler la voirie de la RD7 entre le pont de Sèvres et le périphérique. Cette option est refusée de façon très majoritaire par les riverains de la voie et par les associations de protection de l’environnement.

 

 

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Comptage après comptage, il est vérifié que le trafic sur la RD7 est en baisse.

Les précédentes consultations ou enquêtes publiques sur l’aménagement de cette voirie prévoyaient des trafics de 50.000 à 80.000 véhicules. Toutes ces estimations se révèlent aujourd’hui totalement fausses.

 

Les projections d’augmentation de trafic effectuées par le maître d’ouvrage ne tiennent pas compte par exemple des effets de la hausse inexorable des produits pétroliers sur le comportement des automobilistes. En effet, le prix des carburants a une influence sur les distances parcourues par les automobilistes : une hausse de 10% conduit sur le long terme à une diminution de 4 à 5% des distances parcourues (source Inrets). Cette influence est beaucoup plus marquée pour les résidents parisiens ou ceux de la petite couronne, qui peuvent recourir aux transports en commun. Ces prévisions de hausse de trafic automobile minorent l’impact du prolongement du T2 jusqu’à la Porte de Versailles qui permet désormais de relier Paris à la Défense de façon directe et qui dessert finement le secteur du Val de Seine. Elles ne semblent pas non plus prendre en compte de façon sérieuse les projets de TCSP Meudon-Boulogne-St Cloud, Pont de Sèvres-Versailles ou de l’extension de la navette fluviale Vogueo inscrits au SDRIF adopté par le Conseil Régional en septembre 2008.

 

19 930 c’est le nombre de véhicules circulant sur la RD7 d’après la carte des trafics moyens journaliers annuels 2008 publiée sur le site du CG 92 d’après comptage. L’étude réalisée pour la concertation préalable estime la circulation actuelle à 18 800. Quel est donc le bon chiffre ? Celui publié par le Conseil Général en juillet 2009 ou celui publié par le même Conseil Général lors de la concertation préalable ?

 

A l’horizon 2020, selon l’étude réalisée lors de la concertation préalable, si aucune modification n’intervient sur la RD7, le trafic serait de 25.000 véhicules.

Selon cette étude, l’aménagement 2*2 voies avec feux prôné par le Conseil Général génère un trafic de 28.300 véhicules.

On voit donc que l’élargissement de voirie proposé amène inexorablement un trafic supplémentaire sur la RD7.

Cet élargissement de surcroît se fait au bénéfice de la RD1 et bien au détriment des riverains de la RD7.

Le dossier d’enquête aborde de façon très légère les nuisances générées par l’élargissement de voirie et l’augmentation de la circulation.

L’aménagement proposé ne peut en aucun cas induire un accès facilité aux berges de Seine pour les riverains puisqu’il élargit de façon très importante l’emprise routière et « bétonne » par endroits les dites berges. La coupure entre ville et Seine sera accentuée, contrairement à l’exposé du Conseil Général. Des aménagements similaires le long de la RD7, sur son tracé entre le Pont de Sèvres et La Défense, ont déjà démontré qu’ils empêchaient physiquement l’accès des populations aux berges.

Le bruit est la principale nuisance subie par les Franciliens et contre laquelle il convient de lutter en milieu urbain dense. En ce qui concerne les nuisances sonores, le dossier fait état d’une augmentation prévisible du nombre de décibels, sans pour autant la quantifier. Pourtant, l’étude d’impact préconise des travaux d’isolation de 11 bâtiments situés le long de la voie ! C’est dire que cette augmentation sera significative et ne créera en rien une amélioration du cadre de vie des populations. Le dossier envisage la mise en place de revêtement « acoustique ». Or, ces revêtements n’ont aucune efficacité sur le bruit de la circulation lorsque la vitesse est inférieure à 70 km/h (étude Bruitparif), puisqu’il s’agit de diminuer les bruits de roulement et non les bruits des moteurs.

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En déclarant vouloir mettre en place un revêtement « acoustique »,  le Conseil Général admet-il que son aménagement entraînera des vitesses supérieures à celle autorisée (50km/h) ?

 

 

Concernant les polluants, l’étude d’impact annonce une augmentation des émissions de CO2 de 4%. Cela est en totale contradiction avec les politiques publiques de réduction des gaz à effet de serre. Il est étonnant par ailleurs que cette même étude ait complètement négligé la prise en compte de l’un des polluants les plus dangereux et immédiatement attribuable à la circulation automobile en Ile-de-France : les particules en suspension (PM10). Ces particules sont à l’origine d’un accroissement des hospitalisations et de la mortalité selon des études d’Erpurs.

Concernant l’accidentologie, le dossier indique que l’aménagement proposé améliorera la sécurité des usagers. Or, en doublant le nombre de voies, il est évident que la vitesse réelle pratiquée sera nettement supérieure à celle observée aujourd’hui. Cet argument est d’ailleurs confirmée par l’étude « circulation » du dossier qui indique une baisse du temps de parcours et une hausse des vitesses moyennes sur la section concernée. Il me semble que le nombre et le positionnement des passages protégés prévus ne permettront pas d’assurer sur l’ensemble du trajet une sécurisation maximale des traversées piétonnes. Pour les cyclistes, l’implantation d’une piste bidirectionnelle pose évidemment le problème d’une discontinuité des parcours qui forceront les usagers à des traversées périlleuses.

 

Les aménagements proposés sont en totale contradiction la Loi sur l’Air et la déclinaison régionale de cette loi constituée du Plan de Déplacements Urbains. En effet, le PDU actuel préconise une baisse de 5% de la circulation automobile dans notre région. La mise à deux fois deux voies de la RD7 incite à l’augmentation du trafic routier et des nuisances qu’il induit dans le secteur. Le parti pris d’aménagement donne une place prépondérante à l’automobile sans partage réel de la voirie avec les modes doux de déplacement. Les conclusions des travaux du Grenelle de l’Environnement ont abouti à une volonté de privilégier des investissements en faveur des modes alternatifs à la route. Le Conseil Général, à travers ce projet, se montre en opposition totale avec les déclarations gouvernementales.

 

Le dossier du Conseil Général évoque à plusieurs reprises le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France. Ce document, adopté par le Conseil Régional en septembre 2008 et en attente d’un décret en Conseil d’Etat, a aujourd’hui valeur de Schéma Régional d’Aménagement (SRADT). Sa mise en révision a de facto donné le signal que le document de 1994 était obsolète. S’il ne peut s’imposer aujourd’hui aux documents et opérations locales, certaines de ses préconisations me semble devoir être suivies. Il en est ainsi des orientations concernant le rapport ville-fleuve (« ouvrir la ville sur le fleuve en assurant une meilleure mixité et compatibilité des usages entre les quartiers urbains et les sites d’activités riverains du fleuve et en valorisant les espaces de la trame verte situés au bord de l’eau - SDRIF p 185 »). Comme démontré plus haut, le doublement de la RD7 amplifiera la coupure physique existante entre ville et bords de fleuve. Il est donc faux d’affirmer, comme le déclare le Conseil Général, page 94 du dossier d’enquête, que « le projet Vallée rive gauche est donc compatible avec les orientations du projet de SDRIF de février 2007 ». Je note au passage que le Conseil Général se trompe sur la date d’adoption du projet de SDRIF (septembre 2008 après avis favorable unanime de la commission d’enquête publique), ce qui me permet à cette occasion d’affirmer que le dossier qu’il nous présente n’est absolument pas rigoureux.  Dans la même veine, page 24, le Conseil Général affirme : « L’aménagement de la RD7 apparaît au SDRIF approuvé sous l’intitulé « aménagement de voies existantes ».

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Il n’est pas inutile de remarquer que le SDRIF dont il est fait état est celui de 1994, dans lequel était notamment prévu le réseau MUSE, infrastructure routière souterraine à péage soutenue par le Conseil Général de Hauts-de-Seine et devant relier l’A 15, l’A 10 au périphérique.

 

Le SDRIF adopté par la Région en 2008 entend privilégier le vélo, la marche à pieds et les transports en commun afin de rendre nos villes plus durables et plus vivables. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Conseil Régional a donné un avis défavorable au Schéma de Cohérence Territoriale élaboré par le Syndicat Mixte du Val de Seine et des Coteaux. Le Conseil régional, par délibération du mois d’avril 2009, recommandait notamment en effet de « traduire dans le DOG le parti d’un allègement du trafic de transit sur plusieurs axes (RN 118 – RD 1 – RD 7 – RD 907) et favoriser leur réaménagement en vue de « privilégier les fonctions urbaines et limiter les effets de coupure ». Cette recommandation n’a pas été suivie par le Syndicat Mixte alors même que le commissaire enquêteur chargé du SCOT avait émis cette même remarque (« recommandation n°1 : avant d’engager la restructuration de la RD7 en 2*2 voies, il convient d’examiner l’ensemble des facteurs pouvant conduire à une plus grande fluidité du trafic et si possible aboutir à l’aménagement d’une 2*1,5 voies qui permettra une meilleure insertion paysagère et une prise en compte des liaisons douces plus faciles » Rapport du 21 juillet 2009).

 

Je remarque enfin que le dossier présenté par le Conseil Général trompe ses lecteurs lorsqu’il sous-entend que le projet pourrait être co-financé par le Conseil Régional. En effet, page 24, il est indiqué que l’aménagement de la RD7 « est inscrit en tête du contrat Région-Département ». Il est étonnant de constater que le Conseil Général cache au public ses propres décisions, puisque le contrat Région-Département valable à ce jour est celui qui a été voté le 19 juin 2009 par l’assemblée départementale et le 26 novembre 2009 par le Conseil Régional. Ce contrat ne comporte aucunement l’opération d’aménagement de la RD7. Le coût de cet aménagement (environ 200 millions d’euros) sera entièrement supporté par les contribuables du département puisqu’il n’est pas éligible à un subventionnement d’autres collectivités.

 

Ce projet d’aménagement est donc très coûteux, inutile pour les populations riveraines, sa réalisation entraînera des nuisances très importantes pour l’environnement et la qualité de vie dans le Val de Seine. Il va à l’encontre d’un développement durable de notre territoire.

 

Je suis donc défavorable à ce projet et je soutiens la solution portée par les associations locales et environnementales (2*1,5 voies avec giratoires sans feux).

 

 

Vous remerciant de la prise en compte de cet avis et de ses motivations, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la Commission d’Enquête, à l’assurance de ma considération distinguée.

 

 

 

 

 

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Rédigé par Catherine Candelier

Publié dans #Sèvres

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