La relance dans le mur du çon : priorité à la F1
Publié le 24 Janvier 2009
On est ravis d'apprendre que l'économie française sera sauvée grâce au bétonnage sauvage d'hectares destinés à l'agriculture biologique.
La majorité UMP au Sénat et le gouvernement veillent certainement au pouvoir d'achat des Français en décidant que la priorité des priorités c'est l'implantation d'un circuit, utilisé une fois par an par des amateurs de bruit, regardant tourner en rond des bagnoles.
Voici le compte-rendu du débat au Sénat qui vaut son pesant de cacahouètes !
Après l'article 5 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux fins de l'exploitation d'un circuit automobile homologué pour la formule 1, il peut être passé une convention d'occupation temporaire du domaine public comportant des obligations de service public fixées par la personne publique. Cette convention est dévolue conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence.
M. Michel Guerry. - Le maintien d'un Grand Prix de Formule 1 en France est un enjeu national aux plans sportif, touristique, industriel et économique. La France n'organisera pas de Grand Prix en 2009 et 2010. Si la construction et la délégation de gestion de cet équipement sont menées dans des délais rapides, un Grand Prix pourra être de nouveau organisé en France à partir de 2011. Ce projet de circuit profitera au secteur du bâtiment et des travaux publics, car il devrait donner lieu à des travaux importants en 2010. Il concourt également au rayonnement de l'industrie automobile française et, en lien avec les constructeurs, à la recherche et au développement des nouvelles technologies et énergies. Plutôt qu'à la délégation de service public, dont la procédure de dévolution est assez longue, nous proposons de recourir à l'autorisation d'occupation du domaine public avec obligations de service public. La différence entre les deux régimes ouvre parfois un contentieux qu'il est nécessaire d'éviter, afin de sécuriser le contrat à conclure. La loi vient donc préciser le régime juridique contractuel qui sera utilisé. Les règles de publicité seront celles de la concession de travaux, conformément à nos obligations communautaires.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Le maintien d'un Grand Prix de Formule 1 en France est un enjeu sportif et économique important. Si la construction et la délégation de gestion sont menées dans des délais rapides, un tel Grand Prix pourrait être organisé en France à partir de 2011. Cela donnerait lieu à des travaux importants et la commission est favorable à cet amendement.
M. Patrick Devedjian, ministre. - Très favorable. Cela s'inscrit parfaitement dans le plan de relance et maintiendrait un évènement capital auquel le Premier ministre est attaché pour les raisons qu'on connaît.
Mme Bariza Khiari. - Je comprends que le ministre soit très favorable puisqu'il s'agit d'un amendement gouvernemental déguisé en amendement UMP... Je m'étonne aussi que la commission des fiances n'ait pas invoqué l'article 40 car les obligations de service public impliquent des compensations de la part de l'État. Le Gouvernement s'apprête ainsi à favoriser un nouvel investissement -de 120 millions- pour construire un second circuit de TF1... pardon de F1... et tourner ainsi la page de celui de Magny-Cours. Avec mes collègues du conseil général de la Nièvre et du conseil régional de la Bourgogne, je dénonce cette hypocrisie. La mise à niveau de Magny-Cours 2 -qui aurait 30 millions d'euros de retombées dans la Nièvre dès 2009- entrerait tout aussi bien dans le cadre de la relance de l'économie et les travaux pourraient en débuter avant 2011. Nous sommes hostiles à cet amendement.
M. Jean Desessard. - Cet amendement est l'exemple type d'une mesure anti-environnementale, sans intérêt économique pour la collectivité mais, en revanche, qui va dans le sens de quelques intérêts privés. Ces articles additionnels sont l'occasion pour tous les lobbies de se manifester. Celui-ci, déposé par des sénateurs des Bouches-du-Rhône, des Deux-Sèvres et du Loiret, vise en réalité à permettre la concrétisation du projet de circuit de Formule 1 sur la commune de Flins-sur-Seine dans les Yvelines. Les sénateurs des Yvelines n'osent pas le déposer eux-mêmes et le font déposer par des sénateurs du Sud ! Cet amendement de circonstance vise donc à accélérer la réalisation de ce projet, contre l'avis des habitants et des agriculteurs bio installés sur les terrains pressentis pour accueillir ce circuit nuisible pour l'environnement. En effet, ces terrains avaient été sélectionnés par l'Agence des espaces verts pour accueillir le plus grand domaine d'agriculture biologique d'Ile-de-France. La région connaît un retard considérable dans la réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement : 6 % d'agriculture bio en 2012 et 20 % en 2020. Or on en est à peine à 0,78 %... Je rappelle l'intérêt de doter la capitale et l'Ile-de-France de cultures vivrières de proximité. C'est ça, la véritable économie durable : des cultures vivrières de proximité !
De plus, le projet d'implantation du circuit de Formule 1, avec toutes les pollutions qu'une telle installation peut engendrer, se trouve à proximité d'un captage d'eau potable qui alimente -le saviez-vous, madame le rapporteur en donnant votre avis favorable ?- les foyers de plus de 400 000 Franciliens. Est-ce de la gestion durable ?
Ce n'est certes pas de la gestion durable du territoire.
Alors que de grandes entreprises de la F1 comme Honda ou Subaru s'en désengagent, cet investissement n'est pas économiquement rentable après l'échec de Magny-Cours. Au demeurant, il faut rechercher aujourd'hui l'énergie propre, non la vitesse maximale. Les campagnes de publicité encouragent les économies d'énergie et les véhicules moins polluants. Même M. le ministre demande que l'on respecte les limitations de vitesse pour des raisons de santé publique.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Jean Desessard. - On nous dit que ce projet soutiendrait le bâtiment et les travaux publics. J'imagine que les sénateurs des Bouches-du-Rhône ou du Poitou ne prennent pas souvent les transports en communs parisiens...
M. Jean-Pierre Raffarin. - Il y a des trains dans le Poitou ! Vous n'avez pas le monopole des trains ! (Sourires)
M. Jean Desessard. - Il y a un RER ?
M. Jean-Pierre Raffarin. - Il y a un TER !
M. Jean Desessard. - Je suis heureux que vous preniez le train, mais je suis surpris que vous en soyez satisfait. Vous ne devez pas l'utiliser souvent.
M. Jean-Pierre Raffarin. - En Ile-de-France, la région ne s'en occupe pas !
M. Jean Desessard. - Si l'on veut améliorer les infrastructures, il faut investir non dans un circuit de F1 mais dans le RER.
La crise économique ne doit pas fournir de prétexte pour malmener le Grenelle de l'environnement ; le plan de relance ne doit pas être l'occasion de faire adopter les pires projets à cet égard.
Cet investissement injuste n'a aucun intérêt économique ! (Applaudissements à gauche)
Mme Nathalie Goulet. - Il me semble que Mme Khiari a commis un lapsus en disant TF1 au lieu de F1, mais les deux ne sont pas très éloignés...
D'après les auteurs de l'amendement, les travaux devraient débuter en 2010. Il n'entre donc pas dans l'épure du plan de relance, fondé sur des travaux immédiats.
Par ailleurs, l'article 40 me semble applicable.
En matière d'infrastructures, j'ai défendu bec et ongle des projets bien plus utiles qu'un circuit de F1, dont la place est plutôt dans les pays du Golfe où l'essence est moins chère et où il n'y a pas de problème d'environnement.
Mme Bariza Khiari. - J'attache du prix à ce que dira la commission des finances, toujours prête à dégainer l'article 40.
M. Patrick Devedjian, ministre. - Il n'y a pas de financement public ! L'amendement autoriserait la signature d'une convention d'occupation temporaire du domaine public.
Mme Bariza Khiari. - Avec une délégation de service public.
M. Patrick Devedjian, ministre. - Il faudra constituer un tour de table financier. Aujourd'hui, le critère du multiplicateur d'investissement est satisfait.
M. Jean Desessard. - Il n'est pas facile de faire de l'agriculture bio à 300 kilomètres par heure !
L'amendement numéro 85 rectifié quinquies est adopté et devient article additionnel.